TRAGÉDIE, 3^1
Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes. Je vous viens pour un fils expliquer mes allarmes. Mon fils n'a plus de père , &c le jour n'ell pas loin Qui de ma mort encor doit le rendre témoin. Déjà mille ennemis attaquent fon enfance. Vous feul pouvez contre eux cmbrafTer fa défenfe. » Mais un fecret remords agite mes efprits. Je crains d'avoir ferme votre oreille à fes cris. Je tremble que fur lui votre jufte colère Ne pourfuive bien- tôt une odieufe mère.
HiPPOLYTE.
Madame , ;c n'ai point des fcntimens fi bas.
Phèdre.
Quand vous me haïriez je ne m'en plaindroîs pas ,
Seigneur. Vous m'avez vue attachée à vous nuire ;
Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.
A votre inimitié j'ai pris foin de m'offirir.
Aux bords que j'habitois je n'ai pu vous fouffrir.
En public , en fecret, contre vous déclarée ,
J'ai voulu par des mers en être féparée.
J'ai même défendu , par une exprelîè loi ,
Qu'on ofàt prononcer votre nom devant moi.-
Si pourtant à l'ofFenfe on mefure la peine ;
Si la haine peut feule attirer votre haine ,
Jamais femme ne fut plus digne de pitié ,
Et moins digne , Seigneur, de votre inimitié..
HiPPOLYTE.
Des droits de fes enfans une mère jaloufc Pardonne rarement aux fils d'une autre époufe , Madame , je le fais. Les foupçons importuns Sont d'un fécond hymen les fruits les plus communs. Tout autre auroit pour moi pris les mêmes ombrages , Et j'en aurois peut-ècre efluyé plus d'outrages.
Phèdre. Ah, Seigneur , que le Ciel, j'ofe ici l'attcftsr ^ De cette loi commune a voulu m'cxcepter !
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