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Scène II.

TITUS, PAULIN.
Titus

Hé bien, de mes deſſeins Rome encore incertaine,
Attend que deviendra le deſtin de la reine,
Paulin ; & les ſecrets de ſon cœur & du mien
Sont de tout l’univers devenus l’entretien.
Voici le temps enfin qu’il faut que je m’explique.
De la reine et de moi que dit la voix publique ?
Parlez. Qu’entendez-vous ?

Paulin

Parlez. Qu’entendez-vous ? J’entens de tous côtés
Publier vos vertus, Seigneur, & ſes beautés.

Titus

Que dit-on des ſoupirs que je pouſſe pour elle ?
Quel ſuccès attend-on d’un amour ſi fidèle ?

Paulin

Vous pouvez tout : aimez, ceſſez d’être amoureux ;
La cour ſera toujours du parti de vos vœux.

Titus

Et je l’ai vûe auſſi cette cour peu ſincère,
À ſes maîtres toujours trop ſoigneuſe de plaire ;
Des crimes de Néron approuver les horreurs :
Je l’ai vûe à genoux conſacrer ſes fureurs.
Je ne prens point pour juge une cour idolâtre ;
Paulin. Je me propoſe un plus noble théâtre ;
Et, ſans prêter l’oreille à la voix des flatteurs ;
Je veux par votre bouche entendre tous les cœurs.
Vous me l’avez promis. Le reſpect & la crainte
Ferment autour de moi le paſſage à la plainte.
Pour mieux voir, cher Paulin, & pour entendre mieux,
Je vous ai demandé des oreilles, des yeux.
J’ai mis même à ce prix mon amitié ſecrete :
J’ai voulu que des cœurs vous fuſſiez l’interprète ;