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J’ai même pris ſoin de la rendre un peu moins odieuſe qu’elle n’eſt dans les tragédies des anciens, où elle ſe réſout d’elle-même à accuſer Hippolyte. J’ai cru que la calomnie avoit quelque choſe de trop bas & de trop noir pour la mettre dans la bouche d’une princeſſe, qui a d’ailleurs des ſentimens ſi nobles & ſi vertueux. Cette baſſeſſe m’a paru plus convenable à une nourrice, qui pouvoit avoir des inclinations plus ſerviles, & qui néanmoins n’entreprend cette fauſſe accuſation que pour ſauver la vie & l’honneur de ſa maîtreſſe. Phèdre n’y donne les mains que parce qu’elle eſt dans une agitation d’eſprit qui la met hors d’elle-même ; & elle vient un moment après dans le deſſein de juſtifier l’innocence & de déclarer la vérité.

Hippolyte eſt accuſé dans Euripide & dans Sénèque d’avoir en effet violé ſa belle-mère : vim corpus tulit. Mais il n’eſt ici accuſé que d’en avoir eu deſſein. J’ai voulu épargner à Théſée une confuſion qui l’auroit pu rendre moins agréable aux ſpectateurs.

Pour ce qui eſt du perſonnage d’Hippolyte, j’avois remarqué dans les anciens, qu’on reprochoit à Euripide de l’avoir repréſenté comme un philoſophe exemt de toute imperfection ; ce qui faiſoit que la mort de ce jeune prince cauſoit beaucoup plus d’indignation