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Pour vous, si vous voulez qu'en quelque autre contrée

Nous allions confier votre tête sacrée,

Madame, consultez: maîtres de ce palais,

Mes fidèles amis attendront vos souhaits;

Et moi, pour ne point perdre un temps si salutaire,

Je cours où ma présence est encor nécessaire;

Et jusqu'au pied des murs que la mer vient laver,

Sur mes vaisseaux tout prêts je viens vous retrouver.

Scène dernière.

Atalide, Zaïre

Atalide

Enfin, c'en est donc fait; et par mes artifices,

Mes injustes soupçons, mes funestes caprices,

Je suis donc arrivée au douloureux moment

Où je vois par mon crime expirer mon amant!

N'était-ce pas assez, cruelle destinée,

Qu'à lui survivre, hélas! je fusse condamnée?

Et fallait-il encor que pour comble d'horreurs,

Je ne puisse imputer sa mort qu'à mes fureurs?

Oui, c'est moi, cher amant, qui t'arrache la vie:

Roxane ou le sultan ne te l'ont point ravie;

Moi seule, j'ai tissu le lien malheureux

Dont tu viens d'éprouver les détestables nœuds.

Et je puis, sans mourir, en souffrir la pensée,

Moi qui n'ai pu tantôt, de ta mort menacée,

Retenir mes esprits prompts à m'abandonner?

Ah! n'ai-je eu de l'amour que pour t'assassiner?

Mais c'en est trop: il faut, par un prompt sacrifice,

Que ma fidèle main te venge et me punisse.

Vous, de qui j'ai troublé la gloire et le repos,

Héros, qui deviez tous revivre en ce héros,

Toi, mère malheureuse, et qui dès notre enfance

Me confias son cœur dans une autre espérance,

Infortuné vizir,