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PRÉFACE.

des morts dans une tragédie ; il ſuffit que l’action en ſoit grande, que les acteurs en ſoient héroïques, que les paſſions y ſoient excitées, & que tout s’y reſſente de cette triſteſſe majeſtueuſe qui fait tout le plaiſir de la Tragédie.

Je crus que je pourrois rencontrer toutes ces parties dans mon ſujet. Mais ce qui m’en plut davantage, c’eſt que je le trouvai extrêmement ſimple. Il y avait longtemps que je voulois eſſayer ſi je pourrois faire une tragédie avec cette ſimplicité d’action qui a été ſi fort du goût des anciens. Car c’eſt un des premiers préceptes qu’ils nous ont laissés. « Que ce que vous ferez, dit Horace, ſoit toujours ſimple, & ne ſoit qu’un. » Ils ont admiré l’Ajax de Sophocle, qui n’eſt autre choſe qu’Ajax qui ſe tue de regret, à cauſe de la fureur où il étoit tombé après le refus qu’on lui avoit fait des armes d’Achille. Ils ont admiré le Philoctète, dont tout le ſujet eſt Ulyſſe, qui vient pour ſurprendre les flèches d’Hercule. L’Œdipe même, quoique tout plein de reconnoiſſances, eſt moins chargé de matière que la plus ſimple tragédie de nos jours. Nous voyons enfin que les partiſans de Térence, qui l’élèvent avec raiſon au-deſſus de tous les poëtes comiques, pour l’élégance de ſa diction, & pour la vraiſemblance de ſes mœurs, ne laiſſent pas de confeſſer que Plaute a un grand avantage ſur lui, par la ſimplicité qui eſt dans la plûpart des sujets de Plaute. Et c’eſt ſans doute, cette ſimplicité merveilleuſe qui a attiré à ce dernier toutes les louanges que les anciens lui ont données. Combien Ménan-