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Quoi? ne devrais-tu pas être déjà vengée?

Ne crois-tu pas encore être assez outragée?

Sans perdre tant d'efforts sur ce cœur endurci,

Que ne le laissons-nous périr?... Mais le voici.

Scène IV.

Bajazet, Roxane

Roxane

Je ne vous ferai point des reproches frivoles:

Les moments sont trop chers pour les perdre en paroles.

Mes soins vous sont connus: en un mot, vous vivez,

Et je ne vous dirais que ce que vous savez.

Malgré tout mon amour, si je n'ai pu vous plaire,

Je n'en murmure point; quoiqu'à ne vous rien taire,

Ce même amour peut-être, et ces mêmes bienfaits,

Auraient dû suppléer à mes faibles attraits.

Mais je m'étonne enfin que, pour reconnaissance,

Pour prix de tant d'amour, de tant de confiance,

Vous ayez si longtemps par des détours si bas

Feint un amour pour moi que vous ne sentiez pas.

Bajazet

Qui? moi, Madame?

Roxane

Oui, toi. Voudrais-tu point encore

Me nier un mépris que tu crois que j'ignore?

Ne prétendrais-tu point, par tes fausses couleurs,

Déguiser un amour qui te retient ailleurs,

Et me jurer enfin, d'une bouche perfide,

Tout ce que tu ne sens que pour ton Atalide?

Bajazet

Atalide, Madame! O ciel! qui vous a dit...

Roxane

Tiens, perfide, regarde, et démens cet écrit.

Bajazet