Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée


Après tant de bonté, de soin, d'ardeurs extrêmes,

Tu ne saurais jamais prononcer que tu m'aimes!

Mais dans quel souvenir me laissé-je égarer?

Tu pleures, malheureuse? Ah! tu devais pleurer

Lorsque, d'un vain désir à ta perte poussée,

Tu conçus de le voir la première pensée.

Tu pleures? et l'ingrat, tout prêt à te trahir,

Prépare les discours dont il veut t'éblouir;

Pour plaire à ta rivale, il prend soin de sa vie.

Ah, traître! tu mourras!... Quoi? tu n'es point partie?

Va. Mais nous-même allons, précipitons nos pas:

Qu'il me voie, attentive au soin de son trépas,

Lui montrer à la fois, et l'ordre de son frère,

Et de sa trahison ce gage trop sincère.

Toi, Zatime, retiens ma rivale en ces lieux.

Qu'il n'ait en expirant que ses cris pour adieux.

Qu'elle soit cependant fidèlement servie;

Prends soin d'elle: ma haine a besoin de sa vie.

Ah! si pour son amant facile à s'attendrir,

La peur de son trépas la fit presque mourir,

Quel surcroît de vengeance et de douceur nouvelle

De le montrer bientôt pâle et mort devant elle,

De voir sur cet objet ses regards arrêtés

Me payer les plaisirs que je leur ai prêtés!

Va, retiens-la. Surtout garde bien le silence.

Moi... Mais qui vient ici différer ma vengeance?

Scène VI.

Roxane, Acomat, Osmin

Acomat

Que faites-vous, Madame? En quels retardements

D'un jour si précieux perdez-vous les moments?

Byzance, par mes soins presque entière assemblée,

Interroge ses chefs, de leur crainte troublée;