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Mais enfin je me vois les armes à la main;

Je suis libre, et je puis contre un frère inhumain,

Non plus par un silence aidé de votre adresse,

Disputer en ces lieux le cœur de sa maîtresse,

Mais par de vrais combats, par de nobles dangers,

Moi-même le cherchant aux climats étrangers,

Lui disputer les cœurs du peuple et de l'armée,

Et pour juge entre nous prendre la Renommée.

Que vois-je? Qu'avez-vous? Vous pleurez!

Atalide

Non, Seigneur,

Je ne murmure point contre votre bonheur:

Le ciel, le juste ciel vous devait ce miracle.

Vous savez si jamais j'y formai quelque obstacle;

Tant que j'ai respiré, vos yeux me sont témoins

Que votre seul péril occupait tous mes soins,

Et puisqu'il ne pouvait finir qu'avec ma vie,

C'est sans regret aussi que je la sacrifie.

Il est vrai, si le ciel eût écouté mes vœux,

Qu'il pouvait m'accorder un trépas plus heureux;

Vous n'en auriez pas moins épousé ma rivale,

Vous pouviez l'assurer de la foi conjugale,

Mais vous n'auriez pas joint à ce titre d'époux

Tous ces gages d'amour qu'elle a reçus de vous.

Roxane s'estimait assez récompensée,

Et j'aurais en mourant cette douce pensée

Que vous ayant moi-même imposé cette loi,

Je vous ai vers Roxane envoyé plein de moi;

Qu'emportant chez les morts toute votre tendresse,

Ce n'est point un amant en vous que je lui laisse.

Bajazet

Que parlez-vous, Madame, et d'époux et d'amant?

O ciel! de ce discours, quel est le fondement?

Qui peut vous avoir fait ce récit infidèle?

Moi, j'aimerais Roxane, ou je vivrais pour elle,

Madame? Ah! croyez-vous que, loin de le penser,

Ma bouche seulement eût pu le prononcer?

Mais