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S'il fait ce que vous-même avez su lui prescrire,

S'il l'épouse, en un mot...

Atalide

S'il l'épouse, Zaïre!

Zaïre

Quoi! vous repentez-vous des généreux discours

Que vous dictait le soin de conserver ses jours?

Atalide

Non, non; il ne fera que ce qu'il a dû faire.

Sentiments trop jaloux, c'est à vous de vous taire;

Si Bajazet l'épouse, il suit mes volontés;

Respectez ma vertu qui vous a surmontés;

A ces nobles conseils ne mêlez point le vôtre,

Et loin de me le peindre entre les bras d'une autre,

Laissez-moi sans regret me le représenter

Au trône où mon amour l'a forcé de monter.

Oui, je me reconnais, je suis toujours la même.

Je voulais qu'il m'aimât, chère Zaïre: il m'aime;

Et du moins cet espoir me console aujourd'hui

Que je vais mourir digne et contente de lui.

Zaïre

Mourir! Quoi? vous auriez un dessein si funeste?

Atalide

J'ai cédé mon amant: tu t'étonnes du reste?

Peux-tu compter, Zaïre, au nombre des malheurs

Une mort qui prévient et finit tant de pleurs?

Qu'il vive, c'est assez. Je l'ai voulu, sans doute,

Et je le veux toujours, quelque prix qu'il m'en coûte.

Je n'examine point ma joie ou mon ennui:

J'aime assez mon amant pour renoncer à lui.

Mais, hélas! il peut bien penser avec justice

Que si j'ai pu lui faire un si grand sacrifice,

Ce cœur, qui de ses jours prend ce funeste soin,

L'aime trop pour vouloir en être le témoin.

Allons, je veux savoir...

Zaïre