Et d'arracher, Seigneur, d'une mort manifeste,
Le sang des Ottomans dont vous faites le reste.
Bajazet
Ce reste malheureux serait trop acheté,
S'il faut le conserver par une lâcheté.
Acomat
Et pourquoi vous en faire une image si noire?
L'hymen de Soliman ternit-il sa mémoire?
Cependant Soliman n'était point menacé
Des périls évidents dont vous êtes pressé.
Bajazet
Et ce sont ces périls et ce soin de ma vie
Qui d'un servile hymen feraient l'ignominie.
Soliman n'avait point ce prétexte odieux:
Son esclave trouva grâce devant ses yeux,
Et sans subir le joug d'un hymen nécessaire,
Il lui fit de son cœur un présent volontaire.
Acomat
Mais vous aimez Roxane.
Bajazet
Acomat, c'est assez.
Je me plains de mon sort moins que vous ne pensez.
La mort n'est point pour moi le comble des disgrâces;
J'osai, tout jeune encor, la chercher sur vos traces,
Et l'indigne prison où je suis renfermé
A la voir de plus près m'a même accoutumé;
Amurat à mes yeux l'a vingt fois présentée
Elle finit le cours d'une vie agitée.
Hélas! si je la quitte avec quelque regret...
Pardonnez, Acomat; je plains avec sujet
Des cœurs dont les bontés trop mal récompensées
M'avaient pris pour objet de toutes leurs pensées.
Acomat
Ah! si nous périssons, n'en accusez que vous,
Seigneur. Dites un mot, et vous nous sauvez tous.
Tout ce qui reste ici de braves janissaires,
De la religion les saints dépositaires,