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Et que le ciel vous mît, pour finir vos diſcords,
L’un parmi les vivants, l’autre parmi les morts.
Infortunez tous deux, dignes qu’on vous déplore !
Moins malheureux pourtant que je ne ſuis encore,
Puiſque de tous les maux qui ſont tombez ſur pous,
Vous n’en ſentez aucun, & que je les ſens tous !

Olympe
Mais pour vous ce malheur eſt un moindre ſupplice
Que ſi la mort vous eût enlevé Polynice.
Ce prince étoit l’objet qui faiſçait tous vos ſoins ;
Les intéreſts du roi vous touchaient beaucoup moins.

Antigone
Il eſt vrai, je l’aimais d’une amitié ſincère ;
Je l’aimais beaucoup plus que je n’aimais ſon frère,
Et, ce qui luy donnoit tant de part dans mes vœux,
Il étoit vertueux, Olympe, & malheureux.
Mais, hélas ! ce n’eſt plus ce cœur ſi magnanime,
Et c’eſt un criminel qu’a couronné ſon crime.
Son frère plus que luy commence à me toucher :
Devenant malheureux, il m’eſt devenu cher.

Olympe
Créon vient.

Antigone
Il eſt triſte ; & j’en connais la cauſe :
Au courroux du vainqueur la mort du roi l’expoſe.
C’eſt de tous nos malheurs l’auteur pernicyeux.
Scène 3
Antigone, Créon, Olympe, Attale, Gardes

Créon
Madame, qu’ai-je appris en entrant dans ces lieux ?
Eſt-il vrai que la reine…