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TRAGÉDIE, iit

A G R I P P I N E.

Moi , le faire Empereur ? Ingrat , l'avez vous cru ?

Quel fcroit mon delTcin ? Qu'aurois-je pu prétendre ?

Quels honneurs dans fa Cour, quel rang pourrois-je atten<

Ah , Cl fous votre einpire on ne m'épargne pas 5

Si mes accufateurs obfervent tous mes pas;

Si de leur Empereur ils pourfuivent la Mère ,

Que fcrois-je au milieu d'une Cour étrangère ?

Ils me reprocheroient , non des cris impuilîans.

Des defTcins étouffes aufli-tôt que naifTans ,

Mais des crimes pour vous commis à votre vue.

Et dont je ncferois que trop tôt convaincue.

Vous ne me trompez point , je vois tous vos détours ;

Vous êtes un ingrat , vous le fûtes toujours.

Dès vos plus jeunes ans, mes foins Se mes tendrcfTes

N'ont arraché de vous que de feintes carcfTes.

Rien ne vous a pu vaincre, & votre dureté

Auroit dii dans fon cours arrêter ma bonté.

Que je fuis malheureufe î Et , par quelle infortune.

Faut-il que tous mes foins me rendent importune ?

Je n'ai qu'un fils. O Ciel , qui m'entens aujourd'hui ,

ï*ai-je fait quelques vœux qui ne fuflent pour lui?

Remords , crainte , périls , rien ne m'a retenue.

J'ai vaincu fcs mépris , j'ai détourné ma vue

Des malheurs qui dès lors me furent annoncés.

J'ai fait ce que j'ai pu. Vous régnez , c'eft afièz.

Avec ma liberté , que vous m'avez ravie ,

Si vous le fouhaitez , prenez encor ma vie.

Pourvu que par ma mort tout le peuple irrité;

Ne vous raviflc pas ce qui m'a tant coûte.

NÉRON.

Hc bien donc , prononcez. Que voulez-vous qu'on faflc!

A G R I P P I N E.

De mes accufateurs qu'on punifTe l'audace î

Que de Britannicus on calme le courroux;

Que Junie , à fon choix , puifTe prendre un époux.

Qu'ils foicnt libres tous deux, & que Pallas demcurcj

Que vous rae permettiez de tous voir à toute heure?

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