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Que je me perde ou non, je songe à me venger. Je ne sais même encor, quoi qu’il m’ait pu promettre, Sur d’autres que sur moi si je dois m’en remettre : Pyrrhus n’est pas coupable à ses yeux comme aux miens, Et je tiendrais mes coups bien plus sûrs que les siens. Quel plaisir de venger moi-même mon injure, De retirer mon bras teint du sang du parjure, Et pour rendre sa peine et mes plaisirs plus grands, De cacher ma rivale à ses regards mourants ! Ah ! si du moins Oreste, en punissant son crime, Lui laissait le regret de mourir ma victime ! Va le trouver : dis-lui qu’il apprenne à l’ingrat Qu’on l’immole à ma haine, et non pas à l’Etat. Chère Cléone, cours : ma vengeance est perdue S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue.

Cléone

Je vous obéirai ! Mais qu’est-ce que je voi ? O dieux ! qui l’aurait cru, Madame ? C’est le roi !

Hermione

Ah ! cours après Oreste ; et dis-lui, ma Cléone, Qu’il n’entreprenne rien sans revoir Hermione !


Scène V

Pyrrhus, Hermione, Phoenix

Pyrrhus

Vous ne m’attendiez pas, Madame, et je vois bien Que mon abord ici trouble votre entretien. Je ne viens point, armé d’un indigne artifice, D’un voile d’équité couvrir mon injustice : Il suffit que mon cœur me condamne tout bas, Et je soutiendrais mal ce que je ne crois pas. J’épouse une Troyenne. Oui, Madame, et j’avoue Que je vous ai promis la foi que je lui voue.