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Que m’importe, Seigneur, sa haine ou sa tendresse ? Allez contre un rebelle armer toute la Grèce ; Rapportez-lui le prix de sa rébellion ; Qu’on fasse de l’Epire un second Ilion. Allez. Après cela direz-vous que je l’aime ?

Oreste

Madame, faites plus, et venez-y vous-même. Voulez-vous demeurer pour otage en ces lieux, Venez dans tous les cœurs faire parler vos yeux. Faisons de notre haine une commune attaque.

Hermione

Mais, Seigneur, cependant, s’il épouse Andromaque ?

Oreste

Hé, Madame !

Hermione

xxxxxxxx Songez quelle honte pour nous, Si d’une Phrygienne il devenait l’époux !

Oreste

Et vous le haïssez ! Avouez-le, Madame, L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en une âme ; Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux, Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux.

Hermione

Seigneur, je le vois bien, votre âme prévenue Répand sur mes discours le venin qui la tue, Toujours dans mes raisons cherche quelque détour, Et croit qu’en moi la haine est un effort d’amour. Il faut donc m’expliquer ; vous agirez ensuite. Vous savez qu’en ces lieux mon devoir m’a conduite ; Mon devoir m’y retient ; et je n’en puis partir Que mon père ou Pyrrhus ne m’en fassent sortir. De la part de mon père allez lui faire entendre Que l’ennemi des Grecs ne peut être son gendre. Du Troyen ou de moi faites-le décider : Qu’il songe qui des deux il veut rendre ou garder ; Enfin qu’il me renvoie, ou bien qu’il vous le livre. Adieu. S’il y consent, je suis prête à vous suivre.


Scène III

Oreste
, seul.

Oui,