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ALEXANDRE,

Pense-tu que j’imite une foible Persane?
Qu’à la Cour d’Alexandre on retienne Axiane,
Et qu’avec mon vainqueur, courant tout l’univers,
J’aille vanter par tout la douceur de ses fers?
S’il donne les Etats, qu’il te donne les nôtres.
Qu’il te pare, s’il veut, des dépouilles des autres.
Règne : Porus ni moi n’en serons point jaloux ;
Et tu seras encor plus esclave que nous.
J’espère qu’Alexandre, amoureux de sa gloire.
Et fâché que ton crime ait souillé sa victoire,
S’en lavera bientôt par ton propre trépas.
Des traîtres, comme toi, sont souvent des ingrats ;
Et de quelques faveurs que sa main t’éblouisse,
Du perfide Bessus regarde le supplice.
Adieu.


Scène III.

CLÉOFILE, TAXILE.

Cléofile.

Cédez, mon frère, à ce bouillant transport:
Alexandre & le temps vous rendront le plus fort;
Et cet âpre courroux, quoi qu’elle en puisse dire,
Ne s’obstinera point au refus d’un Empire.
Maître de ses destins, vous l’êtes de son cœur.
Mais, dites-moi, vos yeux ont-ils vu le vainqueur?
Quel traitement, mon frère, en devons-nous attendre ?
Qu’a-t-il dit ?

Taxile.

Oui, ma sœur, j’ai vu votre Alexandre.
D’abord ce jeune éclat qu’on remarque en ses traits,
M’a semblé démentir le nombre de ses faits.
Mon cœur, plein de son nom, n’osoit, je le confesse,
Accorder tant de gloire avec tant de jeunesse.
Mais de ce même front l’héroïque fierté,
Le feu de ses regards, sa haute majesté,