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Je meurs si je vous perds, mais je meurs si j’attends.
Songez-y : je vous laisse ; et je viendrai vous prendre
Pour vous mener au temple, où ce fils doit m’attendra ;
Et là vous me verrez, soumis ou furieux,
Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux.



Scène VIII

ANDROMAQUE, CÉPHISE.
CÉPHISE.

Je vous l’avois prédit, qu’en dépit de la Grèce,
De votre sort encor vous seriez la maîtresse.

ANDROMAQUE.

Hélas ! de quel effet[1] tes discours sont suivis !
Il ne me restoit plus qu’à condamner mon fils.

CÉPHISE.

Madame, à votre époux c’est être assez fidèle :
Trop de vertu pourroit vous rendre criminelle.
Lui-même il porteroit votre âme à la douceur.

ANDROMAQUE.

Quoi ? je lui donnerois Pyrrhus pour successeur ?

CÉPHISE.

Ainsi le veut son fils, que les Grecs vous ravissent.
Pensez-vous qu’après tout ses mânes en rougissent ;
Qu’il méprisât, Madame, un roi victorieux
Qui vous fait remonter au rang de vos aïeux,

  1. Effet s’opposait au désir, à la parole : c’était le fait, l’acte où se réalisait le désir ou la parole.