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PYRRHUS.

J’étois aveugle alors : mes yeux se sont ouverts.
Sa grâce à vos désirs pouvoit être accordée ;
Mais vous ne l’avez pas seulement demandée.
C’en est fait.

ANDROMAQUE.

C’en est fait. Ah ! Seigneur, vous entendiez assez
Des soupirs qui craignoient de se voir repoussés.
Pardonnez à l’éclat d’une illustre fortune
Ce reste de fierté qui craint d’être importune.
Vous ne l’ignorez pas : Andromaque sans vous
N’auroit jamais d’un maître embrassé les genoux[1].

PYRRHUS.

Non, vous me haïssez ; et dans le fond de l’âme
Vous craignez de devoir quelque chose à ma flamme.
Ce fils même, ce fils, l’objet de tant de soins.
Si je l’avois sauvé, vous l’en aimeriez moins.
La haine, le mépris, contre moi tout s’assemble ;
Vous me haïssez plus que tous les Grecs ensemble.
Jouissez à loisir d’un si noble courroux.
Allons, Phœnix.

ANDROMAQUE.

Allons, Phœnix. Allons rejoindre mon époux.

CÉPHISE.

Madame…


  1. Ad genua accido
    Supplex, Ulysse, quamque nullius pedes
    Novere dextram, pedibus admoveo tuis.

    « Je tombe suppliante à tes genoux, Ulysse : cette main qui n’a jamais touché un homme, je l’approche de ton pied. »

    Sénèq., Tr., 689-91.)