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La vôtre étoit à vous. J’espérois ; mais enfin
Vous l’avez pu donner sans me faire un larcin.
Je vous accuse aussi bien moins que la fortune.
Et pourquoi vous lasser d’une plainte importune ?
Tel est votre devoir, je l’avoue ; et le mien
Est de vous épargner un si triste entretien.



Scène III

HERMIONE, CLÉONE.
HERMIONE.

Attendois-tu, Cléone, un courroux si modeste ?

CLÉONE.

La douleur qui se tait n’en est que plus funeste.
Je le plains : d’autant plus .qu’auteur de son ennui,
Le coup qui l’a perdu n’est parti que de lui.
Comptez depuis quel temps votre hymen se prépare :
Il a parlé. Madame, et Pyrrhus se déclare.

HERMIONE.

Tu crois que Pyrrhus craint ? Et que craint-il encor ?
Des peuples qui dix ans ont fui devant Hector,
Qui cent fois effrayés de l’absence d’Achille,
Dans leurs vaisseaux brûlants ont cherché leur asile,
Et qu’on verroit encor, sans l’appui de son fils.
Redemander Hélène aux Troyens impunis ?
Non, Cléone, il n’est point ennemi de lui-même ;
Il veut tout ce qu’il fait ; et s’il m’épouse, il m’aime.
Mais qu’Oreste à son gré m’impute ses douleurs :
N’avons-nous d’entretien que celui de ses pleurs ?
rrhus revient à nous. Hé bien ! chère Cléone,