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PHŒNIX.

Ah ! je vous reconnois ; et ce juste courroux,
Ainsi qu’à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous[1].
Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile :
C’est Pyrrhus, c’est le fils et le rival d’Achille,
Que la gloire à la fin ramène sous ses lois,
Qui triomphe de Troie une seconde fois.

PYRRHUS.

Dis plutôt qu’aujourd’hui commence ma victoire.
D’aujourd’hui seulement je jouis de ma gloire ;
Et mon cœur, aussi fier que tu l’as vu soumis,
Croit avoir en l’amour vaincu mille ennemis.
Considère, Phœnix, les troubles que j’évite.
Quelle foule de maux l’amour traîne à sa suite,
Que d’amis, de devoirs j’allois sacrifier,
Quels périls.... Un regard m’eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondoient sur un rebelle.
Je trouvois du plaisir à me perdre pour elle.

PYRRHUS.

Oui, je bénis. Seigneur, l’heureuse cruauté
Qui vous rend…

PYRRHUS.

Qui vous rend…Tu l’as vu, comme elle m’a traité.
Je pensois, en voyant sa tendresse alarmée,

  1. Entre ce vers et le suivant, les éditions de 1668 et 73 donnent quatre vers supprimés ensuite par l’auteur :
    Et qui l’aurait pensé qu’une si noble audace
    D’un long abaissement prendrait sitôt la place ?
    Que l’on pût sitôt vaincre un poison si charmant ?
    Mais Pyrrhus, quand il veut, sait vaincre en un moment.