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Quel fruit me reviendra d’un aveu téméraire[1] ?
Ah ! puisqu’il faut partir, partons sans lui déplaire.
Retirons-nous, sortons ; et sans nous découvrir,
Allons loin de ses yeux l’oublier, ou mourir.
35Hé quoi ? souffrir toujours un tourment qu’elle ignore ?
Toujours verser des pleurs qu’il faut que je dévore ?
Quoi ? même en la perdant redouter son courroux ?
Belle reine, et pourquoi vous offenseriez-vous ?
Viens-je vous demander que vous quittiez l’Empire ?
40Que vous m’aimiez ? Hélas ! je ne viens que vous dire
Qu’après m’être longtemps flatté que mon rival
Trouveroit à ses vœux quelque obstacle fatal,
Aujourd’hui qu’il peut tout, que votre hymen s’avance[2],
Exemple infortuné d’une longue constance,
45Après cinq ans d’amour et d’espoir superflus,
Je pars, fidèle encor quand je n’espère plus.
Au lieu de s’offenser, elle pourra me plaindre.
Quoi qu’il en soit, parlons : c’est assez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas ! un amant sans espoir
Qui peut bien se résoudre à ne la jamais voir ?


Scène III

ANTIOCHUS, ARSACE.
ANTIOCHUS.

Arsace, entrerons-nous ?

  1. Ce vers manque de 1671 à 1687 ; et pour fournir la rime, le vers 51 est suivi de celui-ci :
    Je me suis tu longtemps, je puis encor me taire.
  2. S’avancer, signifiant s’approcher. « La victoire s’avançait à grands pas. » (Vaugelas, dans Furetière.)