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EXTRAITS
ET
DOCUMENTS RELATIFS A ANDROMAQUE




I. — LA « DIANE » DE MONTEMAYOR


Si Pertharite nous offre les principales situations dramatiques d’Andromaque, le mécanisme psychologique de la tragédie de Racine se retrouve dans la Diane de Montemayor. M. P. Janet, dans un article de la Revue des Deux Mondes, a décrit ce mécanisme original : l’amour se distribue de telle sorte qu’il ne trouve pas de correspondance où il se porte ; il se fait un enchaînement de sentiments qui lie Pyrrhus à Andromaque dont il n’est pas aimé, Hermione à Pyrrhus qui aime Andromaque, et Oreste à Hermione qui aime Pyrrhus. En sorte qu’ Andromaque tire après elle Pyrrhus, Pyrrhus Hermione, Hermione Oreste : si Andromaque accueille Pyrrhus, Pyrrhus s’écarte d’Hermione, qui se rejette vers Oreste ; si Andromaque repousse Pyrrhus, Pyrrhus se rejette vers Hermione, qui s’écarte d’Oreste. Cet enchaînement se reproduit dans Montemayor : mais par un artifice romanesque, qui retire toute vérité à la situation, Montemayor relie les deux extrêmes par un lien d’amour, comme si Oreste tenait auprès d’Andromaque la place d’Hector ; ainsi se forme un cercle parfait d’amants tour à tour poursuivant et dédaignant. Il y a encore cette différence que l’enchaînement se fait en sens inverse : tandis qu’Andromaque est aimée de Pyrrhus, Pyrrhus d’Hermione, Hermione d’Oreste, Selvagie aime Alanio, Alanio Ismenie, Ismenie Montan ; et — voici l’ingénieux, et l’irréel : — Montan aime Selvagie. Ismenie cependant aimait d’abord Alanio comme Her-