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HERMIONE.

Qui te l’a dit ? Ô Dieux ? Quoi ? ne m’avez-vous pas
Vous-même, ici, tantôt, ordonné son trépas ?

HERMIONE.

Ah ! falloit-il en croire une amante insensée ?
Ne devois-tu pas lire au fond de ma pensée ?
Et ne voyois-tu pas, dans mes emportements.
Que mon cœur démentoit ma bouche à tous moments ?
Quand je l’aurois voulu, falloit-il y souscrire ?
N’as-tu pas dû cent fois te le faire redire ?
Moi-même avant le coup me venir consulter,
Y revenir encore, ou plutôt m’éviter ?
Que ne me laissois-tu le soin de ma vengeance ?
Qui t’amène en des lieux où l’on fuit ta présence ?
Voilà de ton amour le détestable fruit :
Tu m’apportois, cruel, le malheur qui te suit.
C’est toi dont l’ambassade, à tous les deux fatale,
L’a fait pour son malheur pencher vers ma rivale.
Nous le verrions encor nous partager ses soins ;
Il m’aimeroit peut-être, il le feindroit du moins.
Adieu. Tu peux partir. Je demeure en Épire :
Je renonce à la Grèce, à Sparte, à son empire,
À toute ma famille ; et c’est assez pour moi.
Traître, qu’elle ait produit un monstre comme loi[1].

  1. Ici, dans l’éd. de 1668, Hermione disait à Andromaque, conformément à la variante du début de la scène :
    Allons, Madame, allons. C’est moi qui vous délivre.
    Pyrrhus ainsi l’ordonne, et vous pouvez me suivre.
    De nos derniers devoirs allons nous dégager.
    Montrons qui de nous deux saura mieux le venger.