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Et regagner le port, où bientôt nos amis
Viendront couverts du sang que je vous ai promis[1].

HERMIONE.

Qu’ont-ils fait ?

ORESTE.

Qu’ont-ils fait ? Pardonnez à leur impatience :
Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance.
Vous vouliez que ma main portât les premiers coups.
Qu’il sentit en mourant qu’il expiroit pour vous ;
Mais c’est moi dont l’ardeur leur a servi d’exemple :
Je les ai pour vous seule entraînés dans le temple,
Madame ; et vous pouvez justement vous flatter
D’une mort quêteurs bras n’ont fait qu’exécuter.
Vous seule avez poussé les coups…

HERMIONE.

Vous seule avez poussé les coups… Tais-toi, perfide,
Et n’impute qu’à toi ton lâche parricide.
Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur :
Va, je la désavoue, et tu me fais horreur.
Barbare, qu’as-tu fait ? Avec quelle furie
As-tu tranché le cours d’une si belle vie ?
Avez-vous pu, cruels, l’immoler aujourd’hui,
Sans que tout votre sang se soulevât pour lui ?
Mais parle : de son sort qui t’a rendu l’arbitre ?
Pourquoi l’assassiner ? Qu’a-t-il fait ? À quel titre ?
Qui te l’a dit ?

  1. Var.
    Le Troyen est sauvé. Mais partons, le temps presse ;
    L’Épire tôt ou tard satisfera la Grèce.
    Cependant j’ai voulu qu’Andromaque aujourd’hui
    Honorât mon triomphe et répondît de lui.
    Du peuple épouvanté la foule fugitive
    M’a laissé sans obstacle enlever ma captive,
    Et regagner ces lieux, où bientôt nos amis
    [Viendront couverts du sang que je vous ai promis.] (1668)