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Je l’ai vu vers le temple, où son hymen s’apprête,
Mener en conquérant sa nouvelle conquête ;
Et d’un œil où brilloient sa joie et son espoir[1]
S’enivrer en marchant du plaisir de la voir.
Andromaque, au travers de mille cris de joie,
Porte jusqu’aux autels le souvenir de Troie :
Incapable toujours d’aimer et de haïr,
Sans joie et sans murmure elle semble obéir.

HERMIONE.

Et l’ingrat ? jusqu’au bout il a poussé l’outrage ?
Mais as-tu bien, Cléone, observé son visage ?
Goûte-t-il des plaisirs tranquilles et parfaits ?
N’a-t-il point détourné ses yeux vers le palais ?
Dis-moi, ne t’es-tu point présentée à sa vue ?
L’ingrat a-t-il rougi lorsqu’il t’a reconnue ?
Son trouble avouoit-il son infidélité ?
A-t-il jusqu’à la fin soutenu sa fierté[2] ?

CLÉONE.

Madame, il ne voit rien. Son salut et sa gloire
Semblent être avec vous sortis de sa mémoire.
Sans songer qui le suit, ennemis ou sujets.
Il poursuit seulement ses amoureux projets.

  1. Var.
    Et d’un œil qui déjà dévorait son espoir. (1668-76.)

    Subligny (III, 8) se moqua de cet œil qui dévore un espoir.

  2. Quinault, dans Bellérophon (II, 1), a exprimé le même mouvement. Sténobée dit :
    Mais avec soin, Mégare, as-tu bien remarqué
    L’air ou libre ou contraint dont il s’est expliqué ?
    A-t-il rêvé longtemps avant que de répondre ?
    N’a-t-il point témoigné se troubler, se confondre ?

    Mais Sténobée se défie d’une heureuse nouvelle. Surtout il faut noter que, si Bellérophon est, comme il semble, de 1670, c’est Quinauit qui a pu imiter Racine.