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Scène V[1]

PYRRHUS, HERMIONE, PHŒNIX.
PYRRHUS.

Vous ne m’attendiez pas, Madame ; et je vois bien
Que mon abord ici trouble votre entretien.
   Je ne viens point, armé d’un indigne artifice.
D’un voile d’équité couvrir mon injustice :
Il suffit que mon cœur me condamne tout bas ;
Et je soutiendrois mal ce que je ne crois pas.
J’épouse uneTroyenne. Oui, Madame, et j’avoue
Que je vous ai promis la foi que je lui voue.
Un autre vous diroit que dans les champs troyens
Nos deux pères sans nous formèrent ces liens,
Et que sans consulter ni mon choix ni le vôtre,
Nous fûmes sans amour engagés l’un à l’autre ;
Mais c’est assez pour moi que je me sois soumis.
Par mes ambassadeurs mon cœur vous fut promis ;
Loin de les[2] révoquer, je voulus y souscrire.
Je vous vis avec eux arriver en Épire ;
Et quoique d’un autre œil l’éclat victorieux
Eut déjà prévenu le pouvoir de vos yeux,
Je ne m’arrêtai point à cette ardeur nouvelle ;
Je voulus m’obstiner à vous être fidèle.
Je vous reçus en reine ; et jusques à ce jour

  1. Il serait intéressant de comparer à cette scène la scène correspondante du Pausanias de Quinault (III, 4). Démarate se voit abandonnée par Pausanias, épris de Cléonice ; elle a indiqué (fin du 1er acte) les maximes qui régleront sa conduite.
  2. Les se rapporte aux ambassadeurs. Révoquer veut dire démentir :
    casser l’engagement pris par eux. Y se rapporte à cette idée d’engagement.