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J’ignore juſqu’aux lieux qui le peuvent cacher.

Philinte


Et dans quels lieux, Seigneur, l’allez-vous dõc chercher ?
Déja pour ſatisfaire à voſtre juſte crainte

J’ay couru les deux Mers, que ſepare Corinthe.
J’ay demandé Theſée aux Peuples de ces bords

Où l’on voit l’Acheron ſe perdre chez les Morts.
J’ay viſité l’Elide, & laiſſant le Ténare,
Paſſé juſqu’à la Mer, qui vit tomber Icare.
Sur quel eſpoir nouveau, dans quels heureux climats

Croyez-vous découvrir la trace de ſes pas ? 

Qui ſçait meſme, qui ſçait ſi le Roy voſtre Pere

Veut que de ſon abſence on ſache le myſftere ?
Et ſi lors qu’avec vous nous tremblons pour ſes jours,
Tranquille, & nous cachant de nouvelles amours

Ce Heros n’attend point qu’une Amante abuſée…

Hippolyte


Cher Theramene, arreſte, & reſpecte Theſée.
De ſes jeunes erreurs deſormais revenu

Par un indigne obſtacle il n’eſt point retenu.
Et fixant de ſes vœux l’inconſtance fatale

Phedre depuis long-temps ne craint plus de Rivale.
Enfin en le cherchant je ſuivray mon devoir,
Et je fuiray ces lieux que je n’oſe plus voir.

Theramene


Hé depuis quand, Seigneur, craignez-vous la preſence

De ces paiſibles lieux, ſi chers à voſtre Enfance,
Et dont je vous ay veû préferer le ſejour

Au tumulte pompeux d’Athenes, de la Cour ?