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Ses yeux indifferens ont déja la conſtance
D’un Tyran dans le crime endurcy dés l’enfance.
Qu’il acheve, Madame, & qu’il faſſe perir
Un Miniſtre importun, qui ne le peut ſouffrir.
Helas ! Loin de vouloir éviter ſa colere
La plus ſoudaine mort me ſera la plus chere.




Scène DERNIERE.

AGRIPPINE, BURRHUS, ALBINE.


ALBINE.

AH Madame ! ah Seigneur ! Courez vers l’Empereur ;

Venez ſauver Ceſar de ſa propre fureur.
Il ſe voit pour jamais ſeparé de Junie.

AGRIPPINE.
Quoy Junie elle-meſme a terminé ſa vie ?
ALBINE.
Pour accabler Ceſar d’un eternel ennuy,

Madame, ſans mourir elle eſt morte pour luy.
Vous ſçavez de ces lieux comme elle s’eſt ravie ;
Elle a feint de paſſer chez la triſte Octavie.
Mais bien-toſt elle a pris des chemins écartez,
Où mes yeux ont ſuivy ſes pas precipitez.
Des portes du Palais elle ſort éperduë.
D’abord elle a d’Auguſte aperceu la ſtatuë ;
Et moüillant de ſes pleurs le marbre de ſes pieds
Que de ſes bras preſſants elle tenoit liez ;
Prince, par ces genoux, dit-elle, que j’embraſſe,
Protege en ce moment le reſte de ta Race.
Rome dans ton Palais vient de voir immoler
Le ſeul de tes Neveux, qui te puſt reſſembler.
On veut apres ſa mort que je luy ſois parjure.
Mais pour luy conſerver une foy toûjours pure,