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AGRIPPINE.
Non non, Britannicus eſt mort empoiſonné.

Narciſſe a fait le coup, vous l’avez ordonné.

NERON.
Madame, mais qui peut vous tenir ce langage ?
NARCISSE.
Hé Seigneur, ce ſoupçon vous fait-il tant d’outrage ?

Britannicus, Madame, eut des deſſeins ſecrets
Qui vous auroient couſté de plus juſtes regrets.
Il aſpiroit plus loin qu’à l’Hymen de Junie.
De vos propres bontez il vous auroit punie,
Madame, il vous trompoit, & ſon cœur offenſé
Prétendoit toſt ou tard rappeller le paſſé.
Soit donc que malgré vous le ſort vous ait ſervie ;
Soit qu’inſtruit des complots qui menaſſoient ſa vie
Sur ma fidelité Ceſar s’en ſoit remis,
Laiſſez les pleurs, Madame, à vos ſeuls ennemis.
Qu’ils mettent ce mal-heur au rãg des plus ſiniſtres,
Mais vous…

AGRIPPINE.
Mais vous… Pourſuy, Neron, avec de tels Miniſtres.

Par des faits glorieux tu te vas ſignaler.
Pourſuy. Tu n’as pas fait ce pas pour reculer.
Ta main a commencé par le ſang de ton Frere.
Je prevoy que tes coups viendront juſqu’à ta Mere.
Tu te fatigueras d’entendre tes forfaits.
Tu voudras t’affranchir du joug de mes bien-faits.
Mais je veux que ma mort te ſoit même inutile,
Ne crois pas qu’en mourant je te laiſſe tranquille.
Rome, ce Ciel, ce jour, que tu receus de moy,
Par tout, à tout moment, m’offriront devant toy,
Tes remors te ſuivront comme autant de furies.
Tu croiras les calmer par d’autres barbaries.
Ta fureur s’irritant ſoy-meſme dans ſon cours
D’un ſãg toûjours nouveau marquera tous tes jours.