Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.

& que bien loin d’eſtre parfait, il faut toûjours qu’il ait quelque imperfection. Mais je leur diray encore icy qu’un jeune Prince de dix-ſept ans, qui a beaucoup de cœur, beaucoup d’amour, beaucoup de franchiſe & beaucoup de credulité, qualitez ordinaires d’un jeune homme, m’a ſemblé tres-capable d’exciter la compaſſion. Je n’en veux pas davantage.

Mais, diſent-ils, ce Prince n’entroit que dans ſa quinziéme année lors qu’il mourut. On le fait vivre luy & Narciſſe deux ans plus qu’ils n’ont vêcu. Je n’aurois point parlé de cette objection, ſi elle n’avoit eſté faite avec chaleur par un homme, qui s’eſt donné la liberté de faire regner vingt ans un Empereur qui n’en a regné que huit : quoy que ce changement ſoit bien plus conſiderable dans la Chronologie, ou l’on ſuppute les temps par les années des Empereurs.

Junie ne manque pas non plus de Cenſeurs. Ils diſent que d’une vieille coquette nommée Junia Silana, j’en ay fait une jeune Fille tres-ſage. Qu’auroient-ils à me répondre, ſi je leur diſois que cette Junie eſt un perſonnage inventé, comme l’Emilie de Cinna, comme la Sabine d’Horace ? Mais j’ay à leur dire que s’ils avoient bien lû l’Hiſtoire, ils auroient trouvé une Junia Calvina, de la famille d’Auguſ-