Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais calmez vos trãſports. Par un chemin plus doux
Vous luy pourrez pluſtoſt ramener ſon Eſpoux.
Les menaſſes, les cris le rendront plus farouche.

AGRIPPINE.
Ah ! L’on s’efforce en vain de me fermer la bouche.

Je voy que mon ſilence irrite vos dédains,
Et c’eſt trop reſpecter l’ouvrage de mes mains.
Pallas n’emporte pas tout l’appuy d’Agrippine,
Le Ciel m’en laiſſe aſſez pour vanger ma ruine.
Le Fils de Claudius commence à reſſentir
Des crimes, dont je n’ay que le ſeul repentir.
J’iray, n’en doutez point, le monſtrer à l’Armée,
Plaindre aux yeux des Soldats ſon enfãce opprimée,
Leur faire à mon exemple expier leur erreur.
On verra d’un coſté le Fils d’un Empereur,
Redemandant la foy jurée à ſa famille,
Et de Germanicus on entendra la Fille ;
De l’autre l’on verra le Fils d’Enobarbus,
Appuyé de Seneque, & du Tribun Burrhus,
Qui tous deux de l’exil rappellez par moy-meſme
Partagent à mes yeux l’autorité ſuprême.
De nos crimes communs je veux qu’on ſoit inſtruit.
On ſçaura les chemins par où je l’ay conduit.
Pour rendre ſa puiſſance & la voſtre odieuſes,
J’avoüray les rumeurs les plus injurieuſes.
Je confeſſeray tout, exils, aſſaſſinats,
Poiſon meſme…

BURRHUS.
Poiſon meſme… Madame, ils ne vous croiront pas.

Ils ſçauront recuſer l’injuſte ſtratagême
D’un témoin irrité qui s’accuſe luy-meſme.
Pour moy qui le premier ſeconday vos deſſeins,
Qui fis meſme jurer l’Armée entre ſes mains.