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je doute ſi je l’aurois obtenuë. Mais ce ſeroit eſtre en quelque ſorte ingrat, que de cacher plus long-temps au monde les bontez dont vous m’avez toûjours honoré. Quelle apparence qu’un homme qui ne travaille que pour la gloire, ſe puiſſe taire d’une protection auſſi glorieuſe que la voſtre ? Non, Monſeigneur, il m’eſt trop avantageux que l’on ſçache que mes Amis meſmes ne vous ſont pas indifferens, que vous prenez part à tous mes Ouvrages, & que vous m’avez procuré l’honneur de lire celuy-cy devant un Homme dont toutes les heures ſont pretieuſes. Vous fuſtes témoin avec quelle penetration d’eſprit il jugea l’œconomie de la Piece, & combien l’idée qu’il s’eſt formée d’une excellente Tragedie, eſt au-delà de tout ce que j’en ay pû concevoir. Ne craignez pas, Monſeigneur que je m’engage plus avant, & que n’oſant le loüer en face, je m’adreſſe à vous pour le loüer avec plus de liberté. Je ſçay qu’il ſeroit dangereux de le fatiguer de ſes loüanges. Et j’oſe dire que cette meſme Modeſtie qui vous eſt commune avec luy n’eſt pas un des moindres liens qui vous attachent l’un à l’autre. La Moderation n’eſt qu’une vertu ordinaire, quand elle ne ſe rencontre qu’avec des qualitez ordinaires. Mais qu’avec toutes les qualitez & du cœur & de l’eſprit, qu’avec un jugement qui ce ſemble