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Scène IV.

BRITANNICUS, NARCISSE.


BRITANNICUS.

LA croiray-je, Narciſſe ? Et dois-je ſur ſa foy

La prendre pour arbitre entre ſon fils & moy ?
Qu’en dis-tu ? N’eſt-ce pas cette meſme Agrippine
Que mon Pere épouſa jadis pour ma ruine,
Et qui, ſi je t’en crois, a de ſes derniers jours
Trop lents pour ſes deſſeins precipité le cours ?

NARCISSE.
N’importe. Elle ſe ſent comme vous outragée.

A vous donner Junie elle s’eſt engagée.
Uniſſez vos chagrins. Liez vos intereſts.
Ce Palais retentit en vain de vos regrets.
Tant que l’on vous verra d’une voix ſuppliante,
Semer icy la plainte, & non pas l’épouvante,
Que vos reſſentimens ſe perdrõt en diſcours,
Il n’en faut point douter, vous vous plaindrez toûjours.

BRITANNICUS.
Ah, Narciſſe ! tu ſçais ſi de la ſervitude

Je pretens faire encore une longue habitude.
Tu ſçais ſi pour jamais de ma chûte étonné
Je renonce aux grandeurs, où j’étois deſtiné.
Mais je ſuis ſeul encor. Les amis de mon Pere
Sont autant d’inconnus qu’écarte ma miſere.
Et ma jeuneſſe meſme éloigne loin de moy
Tous ceux qui dans le cœur me reſervent leur foy.