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Madame. Aucun objet ne bleſſe icy ſes yeux.
Elle eſt dans un Palais tout plein de ſes Ayeux.
Vous ſçavez que les droits qu’elle porte avec elle
Peuvent de ſon Eſpoux faire un Prince rebelle,
Que le ſang de Ceſar ne ſe doit allier
Qu’à ceux à qui Ceſar le veut bien confier,
Et vous meſme avoürez qu’il ne ſeroit pas juſte,
Qu’on diſpoſaſt ſans luy de la Niece d’Auguſte.

AGRIPPINE.
Je vous entens. Neron m’apprend par voſtre voix

Qu’en vain Britannicus s’aſſure ſur mon choix.
En vain pour détourner ſes yeux de ſa miſere,
J’ai flaté ſon amour d’un Hymen qu’il eſpere,
A ma confuſion, Neron veut faire voir
Qu’Agrippine promet par delà ſon pouvoir.
Rome de ma faveur eſt trop préoccupée,
Il veut par cét affront qu’elle ſoit détrompée,
Et que tout l’Univers apprenne avec terreur
A ne confondre plus mon fils & l’Empereur.
Il le peut. Toutefois j’oſe encore luy dire
Qu’il doit avant ce coup affermir ſon Empire,
Et qu’en me reduiſant à la neceſſité
D’éprouver contre luy ma foible autorité,
Il expoſe la ſienne, & que dans la balance
Mon nom peut-eſtre aura plus de poids qu’il ne pẽſe.

BURRHUS.
Quoy Madame ? Toûjours ſoupçonner ſon reſpect ?

Ne peut-il faire un pas qui ne vous ſoit ſuſpect ?
L’Empereur vous croit-il du party de Junie ?
Avec Britannicus vous croit-il reünie ?
Quoy ? de vos ennemis devenez-vous l’appuy
Pour trouver un pretexte à vous plaindre de luy ?
Sur le moyndre diſcours qu’on pourra vous redire,
Serez-vous toûjours preſte à partager l’Empire ?