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TRAGEDIE

Scène II.

HERMIONNE, CLEONNE.
CLEONNE.


Non, je ne puis aſſez admirer ce ſilence.
Vous vous taiſez, Madame, & ce cruel mépris
N’a pas du moindre trouble agité vos eſprits ?
Vous ſouſtenez en paix vne ſi rude attaque ?
Vous qu’on voyoit fremir au ſeul nom d’Andromaque ?
Vous qui ſans deſeſpoir ne pouuiez endurer
Que Pyrrhus d’vn regard la vouluſt honorer ?
Il l’épouſe. Il luy donne ayec ſon Diadême
La foy, que vous venez de receuoir vous-même ;
Et voſtre bouche encor muette à tant d’ennuy,
N’a pas daigné s’ouurir pour ſe plaindre de luy ?
Ah ! que je crains, Madame, vn calme ſi funeſte !
Et qu’il vaudroit bien mieux…

HERMIONNE.

Et qu’il vaudroit bien mieux…Fais-tu venir Oreſte !

CLEONNE.

Il vient, Madame, il vient. Et vous pouuez juger,
Que bien-toſt à vos pieds il alloit ſe ranger.
Preſt à ſeruir toûjours ſans eſpoir de ſalaire,
Vos yeux ne sont que trop aſſurez de luy plaire.
Mais il entre.