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TRAGEDIE

Enfin ie viens à vous, & ie me voy reduit
À chercher dans vos yeux vne mort, qui me fuit.
Mon deſeſpoir n’attend que leur indifférence,
Ils n’ont qu’à m’interdire vn reste d’eſpérance.
Ils n’ont, pour auancer cette mort où ie cours,
Qu’à me dire vne fois ce qu’ils m’ont dit toûjours.
Voila depuis vn an le ſeul ſoin qui m’anime.
Madame, c’eſt à vous de prendre vne Victime,
Que les Scythes auroient dérobée à vos coups,
Si i’en auois trouué d’auſſi cruels que Vous.

HERMIONNE.

Non, non, ne penſez pas qu’Hermionne diſpoſe.
D’vn ſang, ſur qui la Gréce aujourd’huy ſe repoſe
Mais vous-meſme, eſt-ce ainſi que vous executez
Les vœux de tant d’Eſtats que vous repreſentez ?
Faut-il que d’vn tranſport leur Vangeance dépende ?
Eſt-ce le sang d’Oreſte enfin qu’on vous demande ?
Dégagez-vous des ſoins dont vous eſtes chargé.

ORESTE.

Les refus de Pyrrhus m’ont aſſez dégagé,
Madame, il me renuoye, & et quelque autre Puiſſance
Luy fait du Fils d’Hector embraſſer la défence.

HERMIONNE.

L’infidelle !

ORESTE.

L’infidelle !Ainſi donc il ne me reſte rien,
Qu’à venir prendre icy la place du Troyen :
Nous sõmes Ennemis, luy des Grecs, moy le voſtre,
Pyrrhus protege l’vn, & ie vous liure l’autre.