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la Passion. Après quoi elles allèrent, chacune en leur rang, baiser la relique : les religieuses professes les premières, ensuite les novices, et les pensionnaires après. Quand ce fut le tour de la petite Perrier, la maîtresse des pensionnaires[1], qui s’était tenue debout auprès de la grille pour voir passer tout ce petit peuple, l’ayant aperçue, ne put la voir défigurée comme elle était sans une espèce de frissonnement mêlé de compassion, et elle lui dit : « Recommandez-vous à Dieu, ma fille, et faites toucher votre œil malade à la Sainte épine. » La petite fille fit ce qu’on lui dit, et elle a depuis déclaré qu’elle ne douta point, sur la parole de sa maîtresse, que la Sainte épine ne la guérît.

Après cette cérémonie, toutes les autres pensionnaires se retirèrent dans leur chambre, et elle dans la sienne. Elle n’y fut pas plus tôt qu’elle dit à sa compagne : « Ma sœur, je n’ai plus de mal ; la Sainte épine m’a guérie ! » En effet sa compagne, l’ayant regardée avec attention, trouva son œil gauche tout aussi sain que l’autre, sans tumeur, sans matière, et même sans cicatrice. On peut juger combien, dans toute autre maison que Port-Royal, une aventure si surprenante ferait de mouvement, et avec quel empressement on irait en avertir toute la communauté.

  1. La sœur Flavie.