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Voilà ce que mon cœur ſe preſage de toy.
Adieu, tu peux ſortir.

NERON.

Narciſſe, ſuivez-moy.



SCENE VII.

AGRIPPINE, BURRHUS.

AGRIPPINE.

AH Ciel ! de mes ſoupçons quelle étoit l’injuſtice !
Je condamnois Burrhus pour écouter Narciſſe.
Burrhus avez-vous veu quels regards furieux
Neron en me quittant m’a laiſſez pour Adieux.
C’en eſt fait. Le cruel n’a plus rien qui l’arreſte :
Le coup qu’on m’a predit va tomber ſur ma teſte.
Il vous accablera vous-meſme à voſtre tour.

BURRHUS.

Ah Madame, pour moy j’ay vêcu trop d’un jour.
Pluſt au Ciel que ſa main heureuſement cruelle
Euſt fait ſur moy l’eſſay de ſa fureur nouvelle !
Qu’il ne m’eût pas donné par ce triſte attentat
Un gage trop certain des mal-heurs de l’Eſtat !
Son crime ſeul n’eſt pas ce qui me deſeſpere ;
Sa jalouſie a pû l’armer contre ſon Frere.
Mais, s’il vous faut, Madame, expliquer ma douleur,
Neron l’a veu mourir, ſans changer de couleur.

Ses yeux indifferens ont déja la conſtance
D’un Tyran dans le crime endurcy dés l’enfance.
Qu’il acheve, Madame, & qu’il faſſe perir
Un Miniſtre importun, qui ne le peut ſouffrir.
Helas ! Loin de vouloir éviter ſa colere
La plus ſoudaine mort me ſera la plus chere.