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comment mettre les habits de son maître, ni sur quelle viande il doit se ruer, préférant quelque méchant haricot aux perdrix et aux faisans.

Ils[1] pensent attraper le merveilleux en écrivant des choses contre le vraisemblable, des blessures prodigieuses, des morts incroyables.

Un[2] autre faisoit des noms grecs de tous les noms latins, appeloit Cronos[3], Saturnin ; Frontin, Fronton, etc.

Ils[4] se servent quelquefois de phrases magnifiques, comme pourroit faire un poëte, et tombent tout à coup dans de basses expressions. C’est un homme qui a un pied chaussé d’un brodequin, et une sandale à l’autre pied.

Il[5] y en a qui mettent de magnifiques prologues au devant d’une histoire fort peu importante[6]. Le casque est d’or et la cuirasse est de haillons ; et tout le monde s’écrie : «  La montagne accouche. »

Un[7] autre entrera d’abord en matière, et croira imiter Xénophon, qui commence d’abord : « Darius et Parysatis eurent deux fils. » Mais ils ne voient pas qu’il y a des prologues qui sont imperceptibles, et qui sont pourtant de véritables prologues.

Ils[8] confondent toute la géographie.

Ils[9] décrivent curieusement et fort au long de petites choses, et passent légèrement sur les grandes. Ils ont grand soin de bien examiner le piédestal, et ne disent presque rien de la statue.

  1. Lucien, Comment il faut écrire l’histoire, § 20.
  2. Ibidem, § 21.
  3. Ou plutôt Cronios, leçon substituée par Lehmann, d’après plusieurs manuscrits, à Cronos que donnent presque toutes les anciennes éditions.
  4. Lucien, ibidem, § 22.
  5. Ibidem, § 23.
  6. Première rédaction : « de l’histoire la moins importante. »
  7. Lucien, ibidem, § 23.
  8. Ibidem, § 24.
  9. Ibidem, § 27.