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voyait maintenant faire la guerre aux amis de son protecteur. Il est cependant à peu près certain que les premières suppositions du public s’étaient égarées. Le duc de Luynes n’aurait sans doute pas écrit une réponse aussi plaisante que l’est la seconde ; et Racine, s’il avait cru avoir affaire à un tel adversaire, l’aurait un peu plus ménagé qu’il ne l’a fait. Nicole pensait qu’on ne pouvait hésiter sur la préférence à donner à l’une des deux réponses. Il ne dit point quelle est celle qui lui paraît si incontestablement supérieure à l’autre ; mais il est difficile de ne pas croire que ce soit la première ; s’il n’eût voulu le donner à entendre, ce qu’il aurait eu de mieux à faire eût été de ne provoquer aucune comparaison entre leurs mérites, car l’infériorité de la seconde est évidente. Dès qu’il appelait l’attention sur cette infériorité, c’est apparemment qu’il savait bien qu’elle n’avait été écrite ni par le duc de Luynes, ni par M. de Saci. Pour ce qui est de celui-ci, quoiqu’il eût montré peu de bon goût dans les Enluminures, sa plume était trop bonne pour ne pas écrire quelque chose de mieux que la seconde réponse. On a bien moins de peine à y reconnaître Barbier d’Aucour, dont la plaisanterie n’était jamais très-fine. Il faut dire cependant que l’auteur de cette lettre fait bon marché de l’Onguent pour la brûlure, ouvrage du même Barbier d’Aucour : cela est un peu embarrassant ; mais par là peut-être d’Aucour cherchait-il à se mieux déguiser ; et en définitive, il y a d’assez fortes raisons pour s’en tenir à l’opinion qui a fini par s’établir sur les noms des deux auteurs, d’autant plus que le temps révèle toujours plus sûrement ces petits mystères. Jean-Baptiste Rousseau écrivait à Brossette le 24 décembre 1718[1] : « Vous savez que ces deux hommes sont M. Barbier d’Aucour et M. du Bois, qui ont été tous deux depuis confrères de m. Racine à l’Académie. » La même édition de 1722 des Œuvres de Boileau, où nous avons trouvé tout à l’heure l’attribution d’une des deux lettres à M. de Saci, constate un peu plus loin, à la page 198 du tome IV, note 2, que la copie manuscrite d’après laquelle les

  1. Lettres de Rousseau sur différents sujets (2 vol. in-12, Genève, M.DCC.XLIX), tome I, 2e partie, p. 270.