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NOTICE. 553

théâtre fermé au public, privé de tout éclat, et où l’on se contenterait de cacher quelques représentations timides, bientôt abandonnées. « Mme de Maintenon , dit Mme de Caylus 1 , reçut de tous côtés tant d’avis et tant de représentations des dévots, qui agissoient en cela de bonne foi, et de la part des poètes jaloux de la gloire de Racine, qui, non contents de faire parler les gens de bien, écrivirent plusieurs lettres anonymes, qu’ils empêchèrent enfin Athalie. d’être représentée sur le théâtre (de Saint-Cyr) Mme de Maintenon aurait pu ne pas s’embarrasser de discours qui n’étoient fondés que sur l’envie et la malignité ; mais elle pensa différemment, et arrêta ces spectacles dans le temps que tout étoit prêt pour jouer Athalie. Elle fit seulement venir à Versailles, une fois ou deux, les actrices, pour jouer dans sa chambre, devant le Roi, avec leurs habits ordinaires. Cette pièce est si belle que l’action n’en parut pas refroidie ; il me semble même qu’elle produisit alors plus d’effet qu’elle n’en a produit sur le théâtre de Paris. » Sans nous demander si Mme de Caylus n’était pas quelque peu partiale pour des mystères auxquels elle était admise et pour les actrices de Saint-Cyr, comment comparer une représentation publique avec une simple récitation dans la chambre de Mme de Maintenon ? Si un grand effet fut produit, ce qui nous semble douteux, il faut remarquer du moins que ce fut devant un auditoire , à la vérité très - auguste , mais singulièrement restreint. Nous devons expliquer un peu plus en détail le récit de Mme de Caylus que nous venons de transcrire. Parmi les dévots dont les scrupules s’opposèrent aux représentations d’ Athalie , celui qui paraît avoir été le plus écouté est l’abbé Codet des Marais, sulpicien d’une piété solide, mais étroite, qui commençait, dans ce temps, à prendre un irrésistible ascendant sur Mme de Maintenon, et qu’elle lit nommer évêque de Chartres au commencement de l’année 1690. Au temps des représentations d’Esther, il avait été appelé à Saint-Cyr comme confesseur. Dès ses premières visites, il condamna ces spectacles. Par une destinée singulière, Racine, celui de tous nos poètes qu’inspira le mieux la religion, eut comme le privilège de donner en tout temps de l’ombrage au zèle religieux, et le

1. Souvenirs, p. 455 et 456.