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ANDROMAQUE
ANDROMAQUE.

Non, non, j’ai beau pleurer, sa mort est résolue.

PYRRHUS.

Daigne-t-elle sur nous tourner au moins la vue ?
Quel orgueil !

ANDROMAQUE.

Quel orgueil !Je ne fais que l’irriter encor.
Sortons.

PYRRHUS.

900Sortons.Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector.

ANDROMAQUE[1].

Ah ! Seigneur, arrêtez ! Que prétendez-vous faire ?
Si vous livrez le fils, livrez-leur donc la mère.
Vos serments m’ont tantôt juré tant d’amitié :
Dieux ! ne pourrai-je au moins toucher votre pitié[2] ?
905Sans espoir de pardon m’avez-vous condamnée ?

PYRRHUS.

Phœnix vous le dira, ma parole est donnée.

ANDROMAQUE.

Vous qui braviez pour moi tant de périls divers !

PYRRHUS.

J’étois aveugle alors : mes yeux se sont ouverts.
Sa grâce à vos désirs pouvoit être accordée ;
910Mais vous ne l’avez pas seulement demandée.
C’en est fait.

ANDROMAQUE.

C’en est fait.Ah ! Seigneur, vous entendiez[3] assez
Des soupirs qui craignoient de se voir repoussés.

  1. Les éditions de 1736, 1768, 1807, 1808 et celle de M. Aimé-Martin ajoutent ici l’indication : « se jetant aux pieds de Pyrrhus. »
  2. Var. Dieux ! n’en reste-t-il pas du moins quelque pitié ? (1668-76) — L’édition de 1736 a conservé cette variante dans le texte.
  3. Les éditions de 1713 et de 1728, au lieu de : « vous entendiez, » ont « vous attendiez, » qui n’est qu’une faute d’impression. Il est étrange que d’Olivet donne « vous attendiez » comme une variante.