Il vous rapporte un cœur qu’il n’a pu vous ôter.
Mais vous ne dites point ce que vous mande un père.
Dans ses retardements si Pyrrhus persévère,
À la mort du Troyen s’il ne veut consentir,
Mon père avec les Grecs m’ordonne de partir.
Hé bien, Madame, hé bien ! écoutez donc Oreste.
Pyrrhus a commencé, faites au moins le reste.
Pour bien faire, il faudroit que vous le prévinssiez.
Ne m’avez-vous pas dit que vous le haïssiez ?
Si je le hais, Cléone ! Il y va de ma gloire,
Après tant de bontés dont il perd la mémoire.
Lui qui me fut si cher, et qui m’a pu trahir !
Ah ! je l’ai trop aimé pour ne le point haïr.
Fuyez-le donc, Madame ; et puisqu’on vous adore…
Ah ! laisse à ma fureur le temps de croître encore ;
Contre mon ennemi laisse-moi m’assurer :
Cléone, avec horreur je m’en veux séparer.
Il n’y travaillera que trop bien, l’infidèle !
Quoi ? vous en attendez quelque injure nouvelle ?
Aimer une captive, et l’aimer à vos yeux,
Tout cela n’a donc pu vous le rendre odieux ?
Après ce qu’il a fait, que sauroit-il donc faire ?
Il vous auroit déplu, s’il pouvoit vous déplaire.
Pourquoi veux-tu, cruelle, irriter mes ennuis ?
Je crains de me connoître en l’état où je suis.
De tout ce que tu vois tâche de ne rien croire ;
Crois que je n’aime plus, vante-moi ma victoire ;