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ANDROMAQUE

tant d’autorité au théâtre françois. Aussi furent-elles charmées. » Fontenelle aurait pu ajouter :


Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d’hommes qui sont femmes.


Mais il a mieux aimé dire : « J’en excepte quelques femmes qui valoient des hommes. »

Il serait peu intéressant de donner au lecteur le relevé que nous pourrions faire soit dans le Registre de la Grange, soit dans le Mercure, des nombreuses représentations d’Andromaque à Paris, à Fontainebleau et à Versailles, sous le règne de Louis XIV, pendant la vie comme après la mort de Racine. Pour l’Alexandre, on pouvait être curieux de savoir jusqu’à quel point et combien de temps il s’était soutenu dans la faveur de la ville et de la cour ; mais il importe peu de connaître quel nombre de fois, en telle ou telle année, a été jouée une tragédie dont le succès n’a jamais faibli dans tout le cours du grand siècle, qui depuis n’a pas lassé l’admiration, et qui vivra tant qu’il y aura une scène française. Disons seulement, au sujet du goût si durable, de la prédilection même témoignée par les contemporains de Racine pour son premier chef-d’œuvre, qu’en 1685 ou 1686 Baillet écrivait dans ses Jugemens des savans[1] : « C’est maintenant de toutes ses pièces celle que la cour et le public revoient le plus volontiers ; de sorte que les connoisseurs semblent lui donner le prix sur toutes les autres. » L’opinion de Boileau n’était pas, au témoignage de Brossette[2], très-éloignée de celle-là ; au-dessus d’Andromaque, il ne plaçait que Phèdre.

Voltaire, au siècle suivant, ne mettait pas Andromaque moins haut. Il disait dans ses Remarques sur le troisième discours du poëme dramatique, de Corneille[3] : « Il y a manifestement deux intrigues dans l’Andromaque de Racine, celle d’Hermione aimée

  1. Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs (Paris, Antoine Dezallier), tome IV, 5e partie, p. 414. Ce IVe tome porte la date de M.DC.LXXXVI.
  2. Recueil manuscrit des Mémoires touchant la vie et les ouvrages de Boileau Despréaux (appartenant à M. Feuillet de Conches), p. 496.
  3. Œuvres complètes de Voltaire (édition Beuchot), tome XXXVI, p. 520.