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ANDROMAQUE

à répéter une assertion de l’Histoire du Théâtre françois[1]. Nous croyons que les auteurs de cette histoire n’ont fait que nous donner une conjecture qu’ils ont prétendu appuyer sur la lettre de Robinet du 19 novembre. Ils ont supposé que la représentation à la cour, dont il est parlé dans cette lettre, avait dû nécessairement être précédée d’une représentation à l’Hôtel de Bourgogne, et, par suite, ils ont cru pouvoir, avec vraisemblance, placer celle-ci à la date du vendredi de la semaine précédente[2]. Ils se sont du reste trompés, en disant que le jeudi dont parle Robinet était le 16 ; c’était, nous l’avons dit, le 17. Ainsi, quand on déférerait à leur autorité dans ce qui ne paraît être de leur part qu’une pure hypothèse, on devrait dater du 11 novembre la première représentation à l’Hôtel le 10 était un jeudi, et par conséquent un des jours où la troupe ne jouait pas. Dès qu’il ne s’agit d’ailleurs que d’une conjecture, cette représentation peut aussi bien avoir été donnée la veille même du jour où la lettre de Robinet fut écrite, c’est-à-dire le vendredi 18. Dans tout cela une seule chose est certaine, c’est qu’Andromaque, lorsque Robinet la vit, entre le 20 et le 25 novembre, était encore dans toute sa nouveauté ; car dans sa lettre du 26, il dit :

J’ai vu la pièce toute neuve
D’Andromaque, d’Hector la veuve.

Quel que soit le jour où l’Andromaque ait paru pour la première fois sur la scène française, ce jour marque une grande époque dans les annales de notre théâtre, une époque semblable à celle du Cid. Perrault l’a très-bien dit[3] : « Cette tragédie fit le même bruit à peu près que le Cid, lorsqu’il fut représenté. » La comparaison semble juste de tout point. Andromaque s’éleva tout à coup au-dessus de la Thébaïde et de

  1. Tome X, p. 185, à la note.
  2. « La première représentation d’une pièce, dit Chapuzeau, se donne toujours le vendredi. » Voyez le Théâtre français de Chapuzeau (à Lyon, chez Michel Mayer, M.DC.LXXIV, 1 vol. in-18) p. 90 et 91. — Il est certain toutefois qu’au temps des pièces de Racine ce n’était pas une règle sans exceptions.
  3. Hommes illustres, tome II, p. 81.