Page:Racine - Œuvres, t2, éd. Mesnard, 1865.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
ACTE V, SCÈNE III.

Que tous les Grecs, bravés en leur ambassadeur,
Dussent de son hymen relever la splendeur.
1505Enfin avec transport prenant son diadème,
Sur le front d’Andromaque il l’a posé lui-même.
« Je vous donne, a-t-il dit, ma couronne et ma foi :
Andromaque, régnez sur l’Épire et sur moi.
Je voue à votre fils une amitié de père ;
1510J’en atteste les Dieux, je le jure à sa mère.
Pour tous mes ennemis je déclare les siens,
Et je le reconnois pour le roi des Troyens. »
À ces mots, qui du peuple attiroient le suffrage,
Nos Grecs n’ont répondu que par un cri de rage ;
1515L’infidèle s’est vu partout envelopper,
Et je n’ai pu trouver de place pour frapper.
Chacun se disputoit la gloire de l’abattre.
Je l’ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre,
Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober ;
1520Mais enfin à l’autel il est allé tomber[1].
Du peuple épouvanté j’ai traversé la presse[2]
Pour venir de ces lieux enlever ma princesse,
Et regagner le port, où bientôt nos amis
Viendront couverts du sang que je vous ai promis.

HERMIONE.

Qu’ont-ils fait ?

ORESTE.

1525Qu’ont-ils fait ?Pardonnez à leur impatience :

  1. Quelques traits de ce tableau ont été pris dans le récit beaucoup plus détaillé que le messager, dans l’Andromaque d’Euripide (vers 1091-1132), fait de la mort de Pyrrhus.
  2. Var. Le Troyen est sauvé. Mais partons, le temps presse ;
    L’Épire tôt ou tard satisfera la Grèce.
    Cependant j’ai voulu qu’Andromaque aujourd’hui
    Honorât mon triomphe et répondît de lui.
    Du peuple épouvanté la foule fugitive
    M’a laissé sans obstacle enlever ma captive.
    Et regagner ces lieux, où bientôt nos amis
    [Viendront couverts du sang que je vous ai promis.] (1668)