Page:Racine - Œuvres, t2, éd. Mesnard, 1865.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
ANDROMAQUE
HERMIONE.

Le perfide ! Il mourra. Mais que t’a dit Oreste ?

CLÉONE.

Oreste avec ses Grecs dans le temple est entré.

HERMIONE.

1460Hé bien ! à me venger n’est-il pas préparé ?

CLÉONE.

Je ne sais.

HERMIONE.

Je ne sais.Tu ne sais ? Quoi donc ? Oreste encore,
Oreste me trahit ?

CLÉONE.

Oreste me trahit ?Oreste vous adore.
Mais de mille remords son esprit combattu
Croit tantôt son amour et tantôt sa vertu.
1465Il respecte en Pyrrhus l’honneur du diadème ;
Il respecte en Pyrrhus Achille, et Pyrrhus même ;
Il craint la Grèce, il craint l’univers en courroux[1] ;
Mais il se craint, dit-il, soi-même plus que tous.
Il voudroit en vainqueur vous apporter sa tête :
1470Le seul nom d’assassin l’épouvante et l’arrête.
Enfin il est entré sans savoir dans son cœur
S’il en devoit sortir coupable ou spectateur.

HERMIONE.

Non, non, il les verra triompher sans obstacle :
Il se gardera bien de troubler ce spectacle.
1475Je sais de quels remords son courage est atteint :
Le lâche craint la mort, et c’est tout ce qu’il craint.
Quoi ? sans qu’elle employât une seule prière[2],

  1. Var. Il craint les Grecs, il craint l’univers en courroux. (1668-76)
  2. Ce passage rappelle, pour le mouvement, le discours de Junon dans le livre I de l’Énéide (vers 39-46) :

    · · · · Pallasne exurere classem
    Argivum, atque ipsos potuit submergere ponto
    Ast ego · · · · etc.