De cacher ma rivale à ses regards mourants !
Ah ! si du moins Oreste, en punissant son crime,
Lui laissoit le regret de mourir ma victime !
Va le trouver : dis-lui qu’il apprenne à l’ingrat
Qu’on l’immole à ma haine, et non pas à l’État.
Chère Cléone, cours. Ma vengeance est perdue
S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue[1].
Je vous obérai. Mais qu’est-ce que je voi ?
Ô Dieux ! Qui l’auroit cru, Madame ? C’est le Roi !
Ah ! cours après Oreste ; et dis-lui, ma Cléone,
Qu’il n’entreprenne rien sans revoir Hermione.
Scène V.
Que mon abord ici trouble votre entretien.
Je ne viens point, armé d’un indigne artifice,
D’un voile d’équité couvrir mon injustice[2] :
Il suffit que mon cœur me condamne tout bas ;
Et je soutiendrois mal ce que je ne crois pas.
J’épouse une Troyenne. Oui, Madame, et j’avoue
- ↑ Voltaire a rapproché ces vers des vers 101-104 de Cinna (acte I, scène ii) :
Sa perte, que je veux, me deviendroit amère,
Si quelqu’un l’immoloit à d’autres qu’à mon père ;
Et tu verrois mes pleurs couler pour son trépas,
Qui le faisant périr, ne me vengeroit pas. - ↑
· · · · · · · Neque ego hanc abscondere furto
Speravi, ne finge, fugam · · · · · · · · · ·
(Virgile, Énéide, livre IV, vers 337 et 338.)