Désormais à vos yeux ne soit plus défendue.
Vous lui pourrez bientôt prodiguer vos bontés,
Et vos embrassements ne seront plus comptés.
Quel plaisir d’élever un enfant qu’on voit craître[1],
Non plus comme un esclave élevé pour son maître,
Mais pour voir avec lui renaître tant de rois[2] !
Céphise, allons le voir pour la dernière fois.
Que dites-vous ? ô Dieux !
Ce n’est point avec toi que mon cœur se déguise,
Ta foi, dans mon malheur, s’est montrée à mes yeux ;
Mais j’ai cru qu’à mon tour tu me connoissois mieux.
Quoi donc ? as-tu pensé qu’Andromaque infidèle
Pût trahir un époux qui croit revivre en elle ;
Et que de tant de morts réveillant la douleur,
Le soin de mon repos me fît troubler le leur ?
Est-ce là cette ardeur tant promise à sa cendre[3] ?
Mais son fils périssoit : il l’a fallu défendre.
Pyrrhus en m’épousant s’en déclare l’appui ;
Il suffit : je veux bien m’en reposer sur lui.
Je sais quel est Pyrrhus. Violent, mais sincère,
- ↑ Toutes les éditions imprimées du vivant de Racine ont, dans ce vers, craistre, et non croistre. On prononçait encore craître. Geoffroy n’aurait donc pas dû dire ici : « Croître et maître ne riment ni à l’œil ni à l’oreille. »
- ↑ Hécube, dans les Troyennes d’Euripide (vers 707-713), donne à Andromaque de semblables conseils :
Τίμα δὲ τὸν παρόντα δεσπότην σέθεν,…
Κἂν δρᾷς τάδ', · · · · · · · · · · · ·
· · · παῖδα τόνδε παιδὸς ἐκθρέψειας ἂν
Τροίᾳ μέγιστον ὠφέλημ', ἵν' εἴ ποτε
Έκ σοῦ γενόμενοι παῖδες Ἴλιον πάλιν
Κατοικίσειαν, καὶ πόλις γένοιτ' ἔτι. - ↑
Non servata fides cineri promissa Sichæo.
(Virgile, Énéide, livre IV, vers 552.)