Page:Racine - Œuvres, Didot, 1854.djvu/318

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Scène VII.

JOAS, JOAD, JOSABETH, ABNER, et tous les acteurs de la scène précédente.
JOAS, descendu de son trône.

Dieu, qui voyez mon trouble et mon affliction,
Détournez loin de moi sa malédiction,
Et ne souffrez jamais qu’elle soit accomplie ;
Faites que Joas meure avant qu’il vous oublie.

JOAD, aux lévites.

Appelez tout le peuple, et montrons-lui son roi ;
Qu’il lui vienne en ses mains renouveler sa foi.
Roi, prêtres, peuple, allons, pleins de reconnaissance,
De Jacob avec Dieu confirmer l’alliance,
Et saintement confus de nos égarements,
Nous rengager à lui par de nouveaux serments.
Abner, auprès du roi reprenez votre place.


Scène VIII.

JOAS, JOAD, un lévite, et tous les acteurs de la scène précédente.
JOAD, au lévite.

Eh bien ! de cette impie a-t-on puni l’audace ?

LE LÉVITE.

Le fer a de sa vie expié les horreurs.
Jérusalem, longtemps en proie à ses fureurs,
De son joug odieux à la fin soulagée,
Avec joie en son sang la regarde plongée.

JOAD.

Par cette fin terrible, et due à ses forfaits,
Apprenez, roi des Juifs, et n’oubliez jamais
Que les rois dans le ciel ont un juge sévère,
L’innocence un vengeur, et l’orphelin un père.


FIN D’ATHALIE.


PLAN DU PREMIER ACTE


D’IPHIGÉNIE EN TAURIDE[1]





Scène première.

IPHIGÉNIE, une captive grecque.

Iphigénie vient avec une captive grecque, qui s’étonne de sa tristesse, et lui demande si elle est affligée de ce que la fête de Diane se passera sans qu’on immole aucun étranger.

« Tu peux croire, dit Iphigénie, si c’est là un sentiment digne de la fille d’Agamemnon. Tu sais avec quelle répugnance j’ai préparé les misérables que l’on a sacrifiés depuis que je préside à ces cruelles cérémonies. Je me faisais une joie de ce que la fortune n’avait amené aucun Grec pour cette journée, et je triomphais de la douleur commune qui est répandue dans cette île, où l’on compte pour un présage funeste de ce que nous manquons de victime pour cette fête. Mais je ne puis résister à la secrète tristesse dont je suis occupée depuis le songe que j’ai fait cette nuit. J’ai cru que j’étais à Mycène, dans la maison de mon père : il m’a semblé que mon père et ma mère nageaient dans le sang, et que moi-même je tenais un poignard à la main pour en égorger mon frère Oreste. Hélas ! mon cher Oreste !

LA CAPTIVE.

« Mais, madame, vous êtes trop éloignés l’un de l’autre pour craindre l’accomplissement de votre songe.

IPHIGÉNIE

« Et ce n’est pas aussi ce que je crains ; mais je crains avec raison qu’il n’y ait de grands malheurs dans ma famille : les rois sont sujets à de grands changements. Ah ! si je t’avais perdu, mon cher frère Oreste, sur qui seul j’ai fondé mes espérances ! car enfin j’ai plus sujet de t’aimer que tout le reste de ma famille : tu ne fus point coupable de ce sacrifice où mon père m’avait condamnée dans l’Aulide ; tu étais un enfant de dix ans. Tu as été élevé avec moi, et tu es le seul de toute la Grèce que je regrette tous les jours.

LA CAPTIVE.

« Mais, madame, quelle apparence qu’il sache l’é-

  1. On ne peut révoquer en doute l’existence de ce plan, dont le manuscrit, tracé par la main même de l’auteur, fut déposé dans la Bibliothèque du roi, et publié par Louis Racine, en 1747, non pas, dit-il, comme un fragment curieux, mais comme un morceau propre à faire connaître de quelle manière Racine, quand il entreprenait une tragédie, disposait chaque acte en prose.