ACTE V, SCÈNE VI.
SCÈNE VI.
TITUS, BÉRÉNICE.
Titus. Madame , il faut vous faire un aveu véritable.
Lorsque j'envisageai le moment redoutable
Où, pressé par les lois d'un austère devoir,
Il falloit pour jamais renoncer à vous voir;
Quand de ce triste adieu je prévis les approches,
Mes craintes, mes combats, vos larmes, vos reproches ,
Je préparai mon ame à toutes les douleurs
Que peut faire sentir le plus grand des malheurs :
Mais, quoi que je craignisse, il faut que je le die,
Je n'en avois prévu que la moindre partie;
Je crovois ma vertu moins prête à succomber,
Et j'ai honte du trouble où je la vois tomber.
J'ai vu devant mes yeux Rome entière assemblée,
Le sénat m'a parlé : mais mon ame accablée
Écoutoit sans entendre, et ne leur a laissé,
Pour prix de leurs transports, qu'un silence glacé.
Rome de votre sort est encore incertaine :
Moi-même à tous momens je me souviens à peine
Si je suis empereur, ou si je suis Romain.
Je suis venu vers vous sans savoir mon dessein :
Mon amour m'entraînoit, et je venois peut-être
Pour me chercher moi-même, et pour me reconnoître.
Qu'ai-je trouvé? Je vois la mort peinte en vos yeux;
Je vois pour la chercher que vous quittez ces lieux.
C'en est trop. Ma douleur, à cette triste vue,